- 07 septembre 2008 -
"Mes chers amis, je voudrais vous remercier de ces trois jours extraordinaires.
Je voudrais, bien sûr, vous remercier de votre présence, à vous et aux plusieurs centaines d'entre vous qui ont dû repartir, car, comme vous l'imaginez bien, lorsque l'on habite loin et que l'on doit être à pied d'œuvre dès le lundi matin -demain matin- cela impose des obligations.
Je voudrais également vous remercier de votre unité.
De nombreuses universités d'été, campus et rentrées politiques ont eu lieu, mais celle-ci est la seule durant laquelle, tout au long des trois jours, se soit manifestée une volonté d'unité, de cohérence et de cohésion sans aucune fissure.
Ceux qui ont le "désavantage" de bien me connaître savent combien j'ai souvent plaidé pour que nous nous considérions comme un "commando" de changement de la société. Or, la première vertu d'un commando, la seule, c'est d'être unis : " Un pour tous et tous pour un".
Je voudrais, enfin, vous remercier de quelque chose que vous avez tous très bien senti. Dans l'émotion des événements de ces trois jours, ce qui était frappant, au-delà même de la présence massive et de l'unité, c'était quelque chose d'impalpable et de précieux : la très grande qualité humaine qui s'exprimait pendant ces journées, mais également émotion, engagement, risque, reconnaissance des parcours différents et des identités différentes.
Ces trois jours ont, j'en suis sûr, une coloration que beaucoup d'entre ceux qui y ont participé, comme acteurs ou observateurs, n'oublieront pas de sitôt. Merci à tous.
Je veux, bien entendu, exprimer ma gratitude à tous les organisateurs qui ont pris la responsabilité de l'organisation de ces journées, sans oublier les dizaines de bénévoles.
Je voudrais dire ma gratitude à l'équipe qui m'entoure, que vous avez découverte ici, mais ils ne sont pas les seuls à la constituer : je vais citer quelques-uns de ceux qui en font partie. Elle est compétente, généreuse et son niveau d'expérience et de réflexion la porte au premier plan de toutes les équipes politiques françaises.
Je veux leur dire merci et, avec ceux qui sont à la tribune, je veux remercier ceux qui sont dans la salle. Je veux remercier et saluer Abdoulatifou Aly, député de Mayotte, et Anne-Marie Payet, Sénateur de la Réunion. Par ailleurs, j'ai salué hier soir et je salue le nouveau le Maire de Mont-de-Marsan préfecture des Landes, Geneviève Darrieussecq !
De même, je salue Anne Laperrouze, députée Européenne, Nathalie Griesbeck, députée européenne, Jean-Marie Beaupuy, député européen. Je veux saluer quelqu'un qui joue un très grand rôle dans notre organisation, Olivier Henno, Conseiller général du Nord.
Je veux enfin réserver une mention particulière, dans mon cœur, et aussi dans le vôtre, à quelqu'un qui est, je le dis souvent, non pas un homme des temps politiques, mais un homme des temps héroïques. Je salue Jean Lasalle, député !
J'ai, évidemment, été très sensible à la présence de toutes celles et tous ceux qui sont venus témoigner et participer.
Enfin, je voudrais vous dire un mot au sujet d'un homme qui avait accepté d'être là, qui aurait été l'un des intervenants les plus impressionnants de notre université de rentrée, mais qui hélas a trouvé la mort sur les routes de son pays, en Pologne, dans les derniers jours du mois de juillet. La Pologne, son pays dont il avait fait changer l'histoire, de même que de la démocratie européenne et dont il était l'une des plus belles et grandes consciences. Comme Bronislaw Geremek –puisqu’il s’agit de lui- n'a pas pu être avec nous, je voudrais que nous soyons avec lui et je voudrais donc que nous respections un moment de silence pour Bronislaw Geremek.
(Une minute de silence est respectée par l'assemblée.)
Salut Bronek !… Merci à tous.
Dieu sait que Bronislaw Geremek aurait eu à s'exprimer sur cet été, car cet été il s'est passé quelque chose qui sera dans les livres d'histoire, un basculement de l'histoire, qui va changer le cadre dans lequel nous allons vivre dans notre avenir. Cet été, nous sommes revenus au temps de la force et, sur les écrans de télévision, nous avons découvert ce qu'était la force assumée et mise en scène de l'immense puissance chinoise dans la présentation somptueuse et soulignée des Jeux olympiques avec une parade de milliers et milliers de femmes et d’hommes qui exprimaient une seule idée, tout comme la liste de leurs médailles d'or : l'empire s'est réveillé !
Vous vous souvenez de ce livre qu’Alain Peyrefitte avait écrit : " Quand la Chine s'éveillera". Alain Peyrefitte avait une vision extrêmement profonde et une intuition extrêmement profonde de l'histoire.
La Chine s'est réveillée !… L'empire est redevenu l'Empire du Milieu, celui vers lequel tous convergent et, à Moscou, la Russie a manifesté, de la manière la plus brutale et la plus désinvolte, à l'égard des lois dont s'était dotée la Communauté internationale, qu'elle aussi était de retour en tant qu'empire.
Empire chinois, empire russe… Et en face de cela, évidemment une question nous est posée, une question massive et profonde : avons-nous, dans ce choc des empires, quelque chose à dire ?
« To be or not to be… » européens ?
La question de l'Europe n'est plus la question de ses institutions, la question de ses politiques et de ses débats internes, elle n'est plus la question que nous avons entendu poser ou articuler sur sa puissance, son influence.
La question de l'Europe est toute simple et W. Shakespeare l'a exprimée depuis longtemps et avant nous. La question de l'Europe est "T o be or not to be ?"… Voulez-vous être ou voulez-vous renoncer à être ? Être ou ne pas être, telle est la question européenne.
Cette question sur l'Europe va être, en particulier, posée aux Français, car ce sont les Français qui ont été les pères de l'idée européenne.
Ce qui me semble de cet été, c'est que l'urgence européenne est de retour. L'empire est de retour et l'urgence européenne est de retour. Cette urgence va se décliner pour nous, Français, avec cette question que nous avons articulée hier soir, qui voletait au-dessus des débats et dont il nous revient d'assumer la réponse.
Cette question, c'est la question du lien entre l'Europe et les identités, l'Europe et les Nations, l'Europe et les identités régionales, car il y a de nombreux pays en Europe où, comme vous le savez, la réalité régionale est plus importante que la réalité nationale.
Cette question de l'Europe, non pas l’Europe hostile aux identités, écrasant les identités, mais au contraire de l'Europe protégeant les identités, est une question clé pour l'avenir.
Trop souvent on a laissé croire aux peuples que l'Europe se faisait contre eux alors que l'Europe se fait pour eux. Si nous trouvons les mots de cette affirmation, alors je n'ai pas de doute sur ce que sera la réponse des citoyens à la question « Être ou ne pas être… » Cette réponse sera : "Nous voulons être, exister, compter, être reconnus, entendus, dans l'immense débat des empires revenus vers nous comme ils l'étaient au XIXème siècle.
Il nous revient, ne vous trompez pas, en tant que pères de l'idée européenne, de trouver la vérité et la force des mots et des affirmations politiques qui feront que, pour nos concitoyens, l'Europe sera une réalité nouvelle, une attente nouvelle, quelque chose qui jusqu'à maintenant n'a jamais été dit au niveau où cela devait être dit.
Europe des peuples, Europe des citoyens et Europe de l'action.
L’Europe est la seule réponse à de nombreuses questions.
Je voudrais simplement évoquer un certain nombre de sujets qui ne peuvent trouver leur réponse que dans l'Union européenne. Le premier d'entre eux est naturellement sous-jacent. Il s'agit des problèmes de Défense dont nous aurons à reparler, car la Défense européenne et l'OTAN, grands sujets auxquels nous n'apportons pas exactement la même réponse ou sensibilité que celle exprimée par le Président de la République aujourd'hui.
Toutefois, je veux également en citer quelques autres rarement évoqués :
Premièrement, nous avons besoin d'une action européenne en matière de fiscalité et ceci va naturellement directement à l'encontre de tous les ultras de la création, ultra-nationalistes et ultra-libéraux qui se retrouvent sur cette volonté de ne pas laisser le sujet de la fiscalité entrer dans le débat politique européen.
Cependant c'est très simple : s'il n'y a pas une réflexion européenne sur la fiscalité, chaque fois que l'on réfléchira à une manière de prélever sur les fruits des uns pour aider les autres, les plus fortunés pourront de se déplacer d'un pays à l'autre et franchir la frontière. Nous le savons bien, nous autres du Sud-ouest : vous avez beau mettre des taxes sur le tabac, les multiplier et les accumuler dans tous les débits de tabac des départements frontaliers… plus vous taxez le tabac, plus les personnes vont acheter leurs cigarettes de l'autre côté de la frontière. De ce fait, en l'absence d'une réflexion sur la fiscalité européenne, toute action est vaine et vouée à l'échec.
Deuxièmement, j'évoque un sujet rarement évoqué dans l'enceinte politique : la lutte contre la corruption.
Il faut parler clair et franc. La corruption se solde de l'autre côté de la frontière et, tant que nous n'aurons pas une capacité européenne pour faire respecter, sur le sol de l'Union, un certain nombre de règles fondamentales qui font que seront mises hors-la-loi les personnes qui ne vivent que de la corruption et par la corruption, tant que nous n'aurons pas fait cela, nous n'aurons rien fait et nos démarches nationales seront évidemment vaines !
Troisièmement, je souhaite parler de l'eau.
J'ai été extraordinairement frappé par ce qu'a dit Patricia Ricard et quelques autres pendant le débat sur le développement durable, notamment lorsqu'ils nous ont dit ce que les spécialistes savent et que nous entendons comme un refrain, à savoir que l'asphyxie de la Méditerranée provient en particulier du fait que nous rejetons dans la mer des eaux traitées ! Pas des eaux qui ne sont pas encore traitées- ce qui pèse évidemment lourd, car ces eaux véhiculent un ensemble d'effluents, d'hormones, d'antibiotiques et qu'elles changent donc le milieu marin.
C'est une réflexion pour l'Europe, car la mer n'a pas de frontière.
Quatrièmement, je voudrais parler de la fixation du carbone et notamment tout ce qui touche au bois. Nous avons beaucoup parlé de cette économie durable ou économie écologique que nous voulons promouvoir.
Le meilleur moyen de fixer le carbone est le bois, à condition qu'il ne soit pas brûlé ou à condition qu'il ne soit pas uniquement brûlé et que l'on s'en serve notamment en construction. Car cela le fixe pendant 80 ou 100 ans, ce qui est autant de gagné face à l'immense pression qui est la nôtre sur les rejets de notre société dans l'atmosphère avec le réchauffement concomitant.
S'agissant de la recherche d'alternative énergétique, tout le monde voit bien quelle est la situation du pétrole, tout le monde sait bien que le nucléaire a des avantages, mais qu'il pèse très lourd en matière de déchets.
Quand et comment pouvons-nous imaginer, soit un nucléaire propre, soit ce que les scientifiques dessinent et espèrent, c'est-à-dire l'hydrogène –non pollution absolue, disent-il, sur le papier- ?… Nous avons besoin de cela pour l'Europe.
Enfin, il n'est peut-être pas prudent de le dire pour ne pas blesser un certain nombre de ceux qui sont les acteurs de l'Europe, mais, personnellement, je voudrais que nous ayons un programme de lutte contre la bureaucratie européenne.
Il convient de dire ce que les Européens expriment consciemment : nous sommes toujours menacés de voir revenir ou de voir proliférer -c'est comme cela et la vie et la démocratie française en bénéficierait si l'Europe avançait- ou envahir l'espace civique par la puissance des bureaux.
Or, l'Europe, si elle doit exister, doit être affaire de citoyens, de peuples et de respect des citoyens et des peuples. Rien, en Europe, ne se fera si les citoyens n'y adhèrent pas et rien ne se fera si les citoyens ne ressentent pas, tout d'un coup, l'Europe comme transparente devant eux. À savoir pas une puissance qui leur impose, sans discussion, administrativement, des décrets qui ne sont pas les leurs, mais qui soit, au contraire, le lieu où ils pourront, eux, exprimer des sujets qui correspondent à leurs attentes et qui ne peuvent être résolus que par un ensemble puissant.
Tels sont les éléments du nouveau Pacte européen que nous devons écrire et défendre devant les Français et qui touchera, non pas la politique, mais l'essentiel de leur vie.
L'histoire a basculé. La force est de retour et cela pose la question européenne. Il nous faut un nouveau Pacte européen.
Qu’en est-il de la France dans cette immense aventure ?
Vous avez bien senti le souci que nous exprimions pour la France et, ce souci, je veux lui donner un nom. Nous assistons à une régression d'un certain nombre des principes et des valeurs qui ont fait la République en France. Je veux rappeler que, dans la Constitution, la première définition de la République, le premier adjectif qui lui est accolé, c'est démocratique.
La Constitution dit : " La République est démocratique, laïque et sociale".
Mais, en France, la République est de moins en moins démocratique, de moins en moins laïque et de moins en moins sociale, donc de moins en moins République !
La République, sous l'autorité du pouvoir qui s'est mise en place, il y a quatorze mois, est de moins en moins sociale car elle est de plus en plus injuste. Alors, je sais bien que lorsqu'il s'est agi de discuter du RSA, de la décision que le Gouvernement avait prise en matière de RSA, cela a été sous les applaudissements généraux, notamment du Parti socialiste qui, ayant entendu parler de taxation du capital, a reconnu là, le mot clé, le "sésame ouvre-toi", des lendemains qui chantent.
Nous, nous n'avons pas la même analyse, car, s'agissant du RSA, le financement qui a été décidé procède d'une immense injustice, à savoir que ce financement est mis à la charge des classes moyennes et que les plus fortunés en sont exonérés et protégés. Ceci s'appelle une injustice. Il n'y a pas d'autres mots.
Je signale, au passage, pour ceux qui s'intéressent à l'archéologie qu'ils pourront chercher les discours qui ont précédé de longtemps l'élection présidentielle, que nous avons été les premiers défenseurs de cette idée et, dans notre programme aux élections présidentielles, l'idée du RSA était simple. Il s'agissait de permettre à ceux qui dépendent des minima sociaux de retrouver un emploi sans perdre d’argent, par exemple pour une personne qui touche un RMI de 450- si elle est seule, 500 ou 550 € si elle est en couple ou en famille -ce qui, entre nous, ne représente pas beaucoup d'argent- pour passer le seuil et se retrouver à l'emploi, c'est une idée, en lui accordant une allocation compensatoire.
Cependant, devant les demandes de financement, je veux rappeler simplement ceci : toute personne qui sort du RMI permet à la collectivité d'économiser une allocation de l'ordre de 450 ou 500 € et, comme le RSA est de l'ordre de 150 ou 200 €, il doit donc être normalement possible, avec un RMI de financer deux RSA, si l'on décide de faire une bonne gestion de la dépense publique ! J'ai un peu lu les textes et vérifié l'absence d'évaluation…
Il y a un article tout à fait remarquable de M. Piketti dans Libération sur le risque "d'usine à gaz" du RSA. Je veux dire que je partage cette inquiétude.
Je suis de ceux qui ont soutenu l'inspiration, la ligne générale de cette mesure, mais je trouve qu'il faut éviter "l'usine à gaz" qui serait encore une trappe à inactivité.
Quoi qu'il en soit, son financement est une injustice.
L'arbitraire et la République sont inconciliables et contradictoires.
Parlons maintenant de l'affaire Tapie…
Vendredi matin, on a versé au liquidateur de M. Tapie un chèque de 197 millions d’euros, une libéralité qui va jusqu'à 280 millions d’euros. C'est le premier versement et il y en aura d'autres. Cela, c'est le contribuable et l'argent public qui en ont assumé la charge.
Je veux simplement vous dire ceci :
Nous aurons d'autres auditions la semaine prochaine. Nous en avons eu la semaine dernière, des auditions extraordinairement marquantes à la Commission des finances de l'Assemblée Nationale où le rapporteur de la Commission, Charles-Amédée de Courson que je salue en cette circonstance, et le précédent Président du consortium de réalisation, président pendant huit ans, sont venus pour indiquer que la décision qui a été prise de donner ce pactole à M. Tapie est une décision « sans base légale crédible », en tout cas « avec base légale extraordinairement discutable ».
Or, lorsque l'on met en jeu des centaines de millions d'euros des contribuables, cela ne devrait pouvoir être fait qu'avec une décision de justice et c'est d'ailleurs la règle de l'État de droit. Il n'y a que la justice de la République qui puisse trancher une question aussi importante que celle-ci. C'est donc une spoliation d'argent public et un enrichissement sans cause.
J'ai à peine besoin de signaler l'indemnité, excusez-moi ! le préjudice moral …dont Monsieur Bernard Tapie a été jugé digne et se monte à 45 millions d’euros ! C'est-à-dire 1 000 fois plus que pour une victime de l'amiante. C'est un préjudice moral que je trouve disproportionné et déséquilibré !
Pendant l'été, nous avons découvert… -ces choses se font toujours pendant l'été- un décret paru au Journal Officiel qui crée un fichier, non pas principalement contre la délinquance comme on nous l'avait indiqué et laisser entendre en laissant se développer une réflexion ou une polémique justifiée -mais à mon sens seconde au point où nous sommes- sur l'âge des mineurs soupçonnés d'atteinte à l'ordre public et que l'on pourrait faire entrer dans ce dossier… alors que l'objet principal du décret est le fichage de tous les élus français, de toutes les personnes qui se sont présentées à une élection, de tous les responsables économiques, syndicaux et même religieux !
Et bien, je considère qu'un grand pays moderne ne peut pas accepter une telle atteinte aux libertés publiques. Et nous l'avons dit, nous, parfois taxés de solitude -il me semble que la démonstration se fait aisément qu'il s'agit-là d'une imputation infondée- en effet nous avons été un peu seuls pendant l'été pour mener le combat sur l'affaire Tapie. Si nous n'avions pas été là, qui l'aurait été pour mener le combat sur le dossier Edwige, si nous n'avions pas été là -à la fin d'autres associations l'ont fait- pour faire sortir le sujet dans le public. Et sur le financement du RSA, si nous n'avions pas été là, qui l'aurait été ?
C'est notre honneur d'être là même quand les autres renoncent à se faire entendre.
Je ne parle même pas -car là on atteint la poésie- de l'enquête Corse, mais franchement, inventer dans la République, non pas seulement le crime de lèse-majesté, non pas seulement le crime de lèse-copain de la majesté, mais le crime de lèse-pelouse-des-copains de la majesté !
(Rires…)
Franchement !…
Il y a trois mois, suite à l'un de ces incidents dont la Corse est hélas familière -mais dont d'ailleurs le nombre baisse- incident qui aurait pu être gravissime puisqu’on a mis à sac et on a mis le feu au bureau du Président du Conseil régional de Corse !- l'Élysée n'a rien dit ! Cependant, on a mis le pied sur la pelouse de Monsieur Clavier et alors le Directeur de la Sécurité Publique en Corse a sauté !
Ceci a un nom, comme je l'ai dit dès le moment où cette décision stupéfiante a été prise… (lorsque l'on me l'a dit, je n'ai pas voulu le croire, je vous le jure !). Dieu sait que les élus sont habitués à ce que des manifestations aient lieu chez eux… Personnellement, je peux m'enorgueillir d'avoir vu ma maison remplie de porcelets et les porcelets, bien qu'étant des animaux extrêmement charmants, sont un tout-petit peu odorants… (rires).
Je ne le recommande pas, je ne m'en flatte pas, je ne suggère pas que cela recommence, mais c'est la vie démocratique. En effet, dois-je rappeler que le droit de manifestation est l'un des droits fondamentaux de la République et qu'il fait même partie de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?!…
Ceci n'a qu'un nom, c'est le "fait du prince" et son "bon plaisir". C'est l'arbitraire et l'intimidation, car le sens véritable d'une telle décision, au-delà des foucades familières au sommet de l'État, est que tout le monde doit se méfier : " Si vous ne respectez pas ce que je considère être comme essentiel, y compris comme préférentiel, alors vous sauterez".
Ceci, ce n'est pas l'État, ce n'est pas le service de l'État, ce n'est pas le service public, ce ne sont pas les principes qui font que la République se protège de l'arbitraire.
Je le dis, l'arbitraire et la République sont inconciliables et contradictoires. En refusant de céder à l'arbitraire, c'est la République que nous défendons, car l'injustice et l'arbitraire, si vous y réfléchissez bien, sont la même chose.
Je connais bien ceux qui seront les victimes de tout cela. Ce sont la jeune fille et le jeune garçon qui ne bénéficient pas du privilège de la naissance, qui n'ont pas les relations qui leur permettent de voir s'arranger les choses, qui leur garantissent qu'ils vont bénéficier des avantages et des protections qui leur permettront d'avoir accès aux responsabilités et à l'aisance.
Je suis heureux quand je pense que la République que nous aimons permet à chacun de trouver sa place, alors que l'arbitraire et l'injustice ne le permettront pas.
Je finis en disant que tout ceci -ce n'est pas un hasard- se place dans une ambiance que l'on connaît bien, enfin que l'on connaissait bien en France, c'est la Cour. Entre nous, je dois dire que j'aurais imaginé bien des choses sur la République, mais pas de voir, à la sortie d'un Conseil des Ministres, les Ministres de la République s'étant vus remettre un disque d'une sympathique chanteuse de variété, être obligés d'en faire la publicité au bas du perron de l'Élysée…
Je dis cela avec le sourire, ce n'est pas grave, mais voir -j'ai un ou deux exemples précis en tête- des hommes de culture se charger de faire la publicité d'œuvres sans doute importante, mais qu'il n'est tout de même toujours pas question de mettre au programme des écoles, enfin du moins, je le suppose… J'imaginais que les mêmes auraient pu faire la publicité d'Apollinaire, de Victor Hugo, de la princesse de Clèves…
Tout cela n'est pas un hasard car il faut se mettre dans les "petits papiers" de ceux qui ont le pouvoir suprême. C'est pour cela qu'il y a un Gouvernement officiel et un Gouvernement officieux, et ce dernier est plus puissant que le Gouvernement officiel, au grand dam de François Fillon qui essaie vainement d'empêcher la réédition du Gouvernement officieux et qui n'y arrive pas.
Cela s'appelle la Cour. C'est donc le contraire de la République. La République ne s'accommode pas de favoris, elle s'accommode ou elle recommande des fonctions qui sont honorées par ceux qui en détiennent la responsabilité.
De nombreuses personnes s'accommodent encore de cela. Je n'ai aucun doute sur le fait que certaines personnes disent encore que ce n'est pas grave, qu'elles préfèreraient que cela ne se passe pas ainsi, mais qu'après tout…
Il est évidemment très difficile de renier le choix qui est le sien, de démentir le choix qui est le sien ou d'avouer que le choix qui a été le sien -je suis certain qu'il y en a dans cette salle à qui c'est arrivé- s'avère, au bout du compte, à l'épreuve de la réalité, avoir l'effet contraire de ce que l'on croyait. C'est très difficile.
Je ne parle pas de cela à la légère et je sais donc que certaines personnes espèrent et soutiennent encore, mais il y a les autres, aujourd'hui une majorité de Français. Or, que cherchera cette majorité de Français ? Deux choses : tout d'abord, une capacité de résistance et, ensuite, une espérance.
Lorsque l'on cible les classes moyennes, la première des choses à dire est que nous ne laisserons pas faire cette injustice et, s'il faut une voix pour dire "non", nous serons là.
Nous voyons se multiplier l'arbitraire et ces foucades du "bon plaisir" que j'évoquais à l'instant, au détriment du bien commun -affaire Tapie, fichier Edwige, limogeage en Corse- mais nous sommes là pour dire au prince qui nous gouverne selon son "bon plaisir", comme l'on disait autrefois : « Excusez-nous, mais la France n'est pas un peuple de sujets, c'est un peuple de citoyens ! ».
Pour une société humaniste au XXIème siècle
Les Français ce ne sont pas des sujets, ce sont des citoyens. Et en s'appuyant sur cette capacité de résistance, les Français chercheront une espérance. Ma conviction est qu'ils ne chercheront pas le grand soir, les « lendemains qui chantent », l'État qui est censé résoudre tous les problèmes à leur place… Car il y a très longtemps qu'ils ne croient plus à ces sornettes.
Ce que les Français chercheront, c'est quelque chose de très simple et de très grand en même temps. Ils chercheront une société humaniste pour prendre la place de la société d'injustice qui est actuellement au pouvoir.
Il y a très longtemps que le mot "humaniste" n'avait pas été remis au premier plan de la vie politique. Eh bien il me semble qu'il n'y a pas d'urgence plus grande, aujourd'hui, en 2008, avec tout ce que nous avons sous les yeux, que de faire désormais de ce mot la boussole ou l'étoile polaire de l'action que les citoyens doivent décider ensemble pour que les gouvernants la conduisent un jour.
Je voudrais maintenant évoquer devant vous les axes principaux de ce qui me paraît devoir être la société humaniste pour le XXIème siècle.
Le premier axe, et peut-être cela surprendra-t-il que je commence par là, consiste en une société créative.
En effet, nous sommes dans une très grande compétition mondiale et personne n'abolira cette compétition. Nous n'allons pas refaire des frontières et des lignes Maginot… Au demeurant, la ligne Maginot elle-même n'a pas résisté comme nous espérions qu'elle le ferait ou, plus exactement, elle a résisté, mais elle a été tournée.
Créative, créativité, création… avec cette idée que toutes les créations sont indispensables. Et pour moi cela concerne l'entrepreneur, le créateur d'entreprise, le chercheur, l'artiste, la création économique, la création de sciences et de techniques et la création culturelle.
Elles relèvent toutes les trois du même univers de la société créative et il s'agit donc d'une orientation majeure qui, pour l'instant, en France, n'a jamais été mise en avant. Or, il faut une société, non pas qui combatte le risque, mais qui le favorise.
Cela a pour moi trois grands chapitres d'applications puisque je dessine les lignes directrices du projet que nous serons amenés à défendre… Mais nous serons naturellement invités à en discuter.
Premièrement quelque chose qui n'est plus à la mode depuis longtemps : il faut une réhabilitation de la recherche fondamentale, car il n'y a pas de recherche appliquée s'il n'y a pas de recherche fondamentale.
Deuxièmement, il va falloir que nous pensions les principes et la méthode d'une réforme fiscale de grande ampleur qui favorise l'initiative et le risque au lieu de les pénaliser, qui donne l'avantage à l'initiative et non pas à la rente, c'est-à-dire à peu près le contraire de ce que nous faisons aujourd'hui.
Je précise, à l'avance, que cette réforme fiscale de grande ampleur, lorsque le moment sera venu et si les Français le choisissent, ne devra pas se mettre en place sans de longues précautions et une longue pédagogie.
Je pense qu'une réforme fiscale nécessaire, qui comportera peut-être une part d'impôt négatif, comme l'on dit, pour un certain nombre de citoyens et en même temps qui favorisera l'initiative et le risque, ne peut pas être mise en place dans un temps inférieur, au moins, à trois années, de manière que les personnes comprennent le mécanisme et s'y habituent.
Par exemple et à mon sens, cette réforme fiscale devra comporter la décision que la France s'est toujours refusée à prendre, à savoir le prélèvement à la source, de manière que chacun puisse bénéficier pleinement de l'argent qui lui revient, sans avoir à craindre des prélèvements ultérieurs. Cependant, cela ne peut évidemment se faire qu'en prenant un temps long. Je suis un pédagogue de formation. Je sais que, pour enseigner, il faut répéter…
Il faut donc le temps de cette réforme. Il faudra ce que j'appelle une concertation bancaire, une discussion -mon cher Jean (Peyrelevade)- avec les banquiers, de manière à réfléchir aux moyens de les voir favoriser la prise de risque et de sortir de ce vieil adage toujours d'actualité " On ne prête qu'aux riches…", ou en tout cas on prête bien davantage aux riches qu'à ceux qui prennent des risques.
Je crois enfin, troisièmement, que nous devons réfléchir -il s'agit naturellement d'une réflexion qui n'est pas de très "grand public"- à la légitimité d'une politique industrielle. Nous vivons dans des temps de fonds souverains. Je sais que le Gouvernement a un certain nombre d'idées autour de ce sujet. J'approuve la réflexion et je pense nécessaire que nous réfléchissions au cadre d'une politique industrielle moderne, peut-être pour combler un certain nombre de trous hélas béants dans le paysage industriel de notre pays.
Après une société créative, nous devons avoir une société juste.
Or, la justice, cela commence simplement à l'école et en maternelle. C'est pourquoi je préconise un effort national : concentrer sur le plus jeune âge dans les milieux fragiles, avec un programme de recherche sur la petite enfance et une stratégie d'éducation des familles, lorsque les enfants sont en situation de ne pas trouver l'équilibre nécessaire pour les acquis qui doivent être les leurs.
Une société juste : je veux ouvrir la réflexion sur ce que l'on appelle "l'élitisme républicain". Il y a quelques décennies, en France, toutes les familles humbles et modestes savaient comment il était possible de réussir dans la vie, en travaillant bien à l'école. Tout le monde le savait.
Les meilleurs arrivaient à faire Polytechnique, l'École normale supérieure, simplement car ils travaillaient bien. Ainsi, des fils de familles humbles arrivaient souvent à des situations de responsabilité qui honoraient leurs familles et faisaient respirer la société, car les responsables de demain étaient issus de classes de la société qui n'étaient pas, c'est le moins que l'on en puisse dire, dominantes ou favorisées.
Aujourd'hui, cela n'existe hélas plus ou infiniment moins qu'autrefois.
Nous devons repenser -je vais employer une expression qui n'est pas tout à fait exacte mais sommaire- le « fléchage » qui permet à une personne, même si elle vient d'un milieu sans relation et sans influence, d'occuper, dans la société, un jour, des situations de reconnaissance et de responsabilité. C'est, me semble-t-il, le choix le plus important pour la cohésion de la société si nous voulons qu'elle soit une société humaniste.
Enfin, il y a une question terriblement sensible, délicate à poser, mais autour laquelle, même si je sais que beaucoup de gens ne seront pas de cet avis. Il faut que nous ayons une réflexion. Dans la perspective de la société humaniste qui est devant nous, il faut une réflexion concrète sur un plan pluriannuel d'évolution des bas revenus dans la société française. Travail, revenu du travail, retraite, comment faire pour que, simplement, un peu d'oxygène soit offert, non pas distribué, mais offert. Réflexion sur ce plan pluriannuel.
Troisième grand sujet : une société durable.
Donc, société créative d'abord, société juste ensuite, société durable enfin.
Immense question parce que c'est celle du droit qui n'est jamais évoqué des générations futures, du droit de ceux qui ne sont pas encore nés, du droit des plus jeunes et du droit de ceux qui vont naître. En même temps, puisque j'évoque un pacte inter-générations, cela veut dire qu'il faut désormais poser les questions qui vont avec l'augmentation, en nombre très important, du grand âge. Ce sont des questions très lourdes et que l'on ne peut traiter qu'avec les plus jeunes.
Sur ce pacte inter-générations, je vous propose que nous réfléchissions au droit des générations futures.
Deuxième idée : soutien crédible et ambitieux aux éco-industries, celles qui ont été évoquées à plusieurs reprises ce matin dans cette table ronde, dans l'affirmation qui est la nôtre d'un développement durable qui soit un développement durable concret.
Alors ? Filière solaire -ce n'est pas un hasard si j'ai visité tant et tant et tant d'usines consacrées au photovoltaïque. Par exemple, en France, quand on a des hectares et des kilomètres carrés de terrasses abandonnées au-dessus des grands magasins, pourquoi est-ce qu'on ne les utilise pas -cela permettrait d'améliorer naturellement l'isolation- pour en faire des champs, des usines de capteurs photovoltaïques ?
Jean-Luc Bennahmias, l'autre jour, a défendu cette idée. Pour moi, elle est évidente. J'évoquais le bois à l'instant, on est devant une multitude d'éco-industries et un pays aussi avancé technologiquement que le nôtre -quand on fabrique des fusées, des avions, des hélicoptères et certaines parmi les plus performantes des voitures du monde- doit naturellement pouvoir porter une démarche éco-industrielle.
Enfin, troisièmement, les déficits publics. Je vais dire quelque chose de modéré, mais il me semble qu'il faut sortir du faux-semblant que représentent les chiffres actuellement évoqués : 3 % de déficit public, c'est 20 % de déficit de la dépense publique quotidienne : tous les jours on reçoit 80 et on dépense 100. C'est cela, 3 %.
Je pense qu'il faut se fixer un objectif différent et deux fois plus ambitieux, celui de 1,5 % du PIB en déficit public.
Pourquoi ce chiffre ? Parce que c'est le chiffre à partir duquel la dette n'augmente plus ou à partir duquel vous remettez le bateau à flot. Après, tous les chiffres au-dessus, la dette continue à être augmentée à vitesse grand V.
Il me semble que nous devrions nous fixer comme objectif national de ne plus jamais, quelles que soit les circonstances, faire que notre dette augmente, et après, la croissance que nous soutiendrons permettra, je le crois, de façon crédible, de remettre les choses en ordre.
La politique de lutte contre les déficits publics dont nous avons fait un chapitre essentiel de la campagne présidentielle, il me semble que, après, elle est crédible, mais avant elle ne l'est pas, on dit qu'on va le faire et on fait le contraire !
Essayons de nous fixer des objectifs qui, désormais, feront loi pour les générations futures.
Enfin, dernier grand sujet, après la société créative, juste et durable, il faut que cette société soit démocratique.
Ce qui veut dire : séparation des pouvoirs, une loi électorale juste dans laquelle tous les grands courants du pays auront une représentation autonome sans avoir besoin d'aller faire allégeance
Ce qui veut dire une refonte de la démocratie locale qui est aujourd'hui un labyrinthe incompréhensible, et vous savez les principes que l'on a défendus de ce point de vue là.
Ensuite, interdiction de la dépendance entre médias et pouvoir exécutif : il faut une loi qui interdise à des industriels dépendant des commandes de l'État d'être à la tête de grands moyens d'expression en France.
Et enfin, indépendance de la justice. Je veux défendre à nouveau ou reprendre devant vous l'idée d'un Garde des Sceaux indépendant qui ne soit pas soumis à l'autorité gouvernementale, mais qui soit indépendant devant la représentation nationale.
Si nous voyons juste, le besoin de société humaniste se fera plus présent chaque jour et un jour, autour de ce projet, autour de cette alternative il y aura, je le crois, une majorité de Français.
J'ai employé deux mots et je vais m'arrêter un instant sur ces deux mots.
Le premier de ces mots c'est : alternative.
Comme vous le voyez, ce n'est pas un projet de compromissions qui s'accommodent des dérives actuelles et se contenterait de les camoufler ou de les colorier, ce n'est pas un projet de compromission, c'est un projet de confrontation. C'est un autre projet de société, et non pas une soumission au projet de société actuellement dominant.
Le deuxième mot est : majorité.
Le jour où la question sera celle de l'alternance, le jour où la question de l'alternance deviendra ou sera à l'ordre du jour, ce jour-là, la question sera celle de l'efficacité.
Toute victoire électorale suppose des rassemblements et le rassemblement suppose -je dis cela à la cantonade mais peut-être certains y reconnaîtront-ils un message pour eux- d'accepter la différence. Non pas de rechercher l'alignement, la dépendance ou la soumission, mais d'accepter la différence et, s'il le faut, la concurrence.
Ceci est la condition pour des rassemblements nécessaires le jour où la question qui se pose est celle de la majorité.
Je veux vous dire ceci et on l'a bien vu dans le magnifique moment que l'on a vécu hier soir avec Fred Vargas et Patrick Mosconi et je sais que cela représente un effort :
Jusqu'à maintenant, la règle en France, c'est de ne parler qu'avec les gens qui sont d'accord avec vous. Or nous avons montré tout au long de ces trois jours que notre volonté et notre détermination étaient de parler aussi avec des gens qui, jusqu'à maintenant, n'étaient pas d'accord avec nous, de parler avec des gens différents de nous pour, un jour, pouvoir construire avec des gens qui, jusqu'à maintenant, étaient différents de nous.
Je veux simplement vous rappeler la phrase dans laquelle j'ai reconnu tout notre message -pour une fois c'est une phrase de Mc Cain et pas une phrase de Obama- Mc Cain a dit quelque chose qui, pour moi, est fondamental : "Excusez-moi, quand je vois Obama, je ne vois pas d'abord un démocrate, je vois d'abord un Américain."
Moi, quand je vois des concitoyens qui ont eu jusqu'à maintenant un parcours, un engagement, une filiation qui n'était pas la mienne, je ne vois pas en eux des ennemis, des adversaires ou des étrangers, je vois en eux des concitoyens et nous aurons bien besoin les uns des autres le jour où il s'agira de construire ensemble !
Je sais bien qu'il n'est pas facile de passer les frontières, mais c'est en passant les frontières que l'on bâtit des pays pionniers.
Je vous remercie.
Lien(s) : Téléchargez ici le texte du discours de clôture de François Bayrou
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